Mme Cuyer

Témoignage de Paulette Cuyer nom de jeune fille Leneveu. Le 5 février 2011

 

Un pigeon anglais avait été envoyé par avion en 42, mon frère l'a trouvé dans un champ chez nous à Précorbin. Il y en avait d'envoyés, il fallait le garder 4-5 jours, le nourrir puis on l'a renvoyé, il y avait un message.

 

J'avais 17 ans quand la guerre a été déclarée. On était à Précorbin, il y avait l'occupation. Ca ne se passait pas trop bien mais c'était comme ça. On avait tout le temps les allemands sur nous, il y en avait à Torigni et à St Jean des allemands. Quelquefois ils venaient l'après-midi faire la collation, voir ce qui se passait. Ils faisaient n'importe quoi.

Une nuit un avion a largué dans un de nos champs un pigeon. C'était pour donner des renseignements, il y avait plein de papiers. Si on voulait le garder, on renvoyait le message aux anglais mais si on ne voulait pas le garder, on allait le porter à Torigni à la kommandatur et ils donnaient 500 francs. Mais nous et le maire on l'a gardé et on a renseigné les anglais. On a le diplôme. J'ai la traduction.

 

Mes parents n'étaient pas résistants, mon père avait fait la guerre de 14, il n'était pas pour les allemands.

 

Transports

On avait une voiture et un cheval, des vélos.

 

Exode

On a été en exode à la ferté macé, pendant deux mois et demi. Il fallait s'en aller. On est partis à pied avec une vache, notre chienne. A Domjean ma mère avait une amie qui nous a prêté une voiture et un cheval. On est partis mes parents et moi car mon frère et ma belle soeur et leur petit qui avait un an sont partis autrement mais on s'est retrouvé tous à la ferté macé.

Ce sont les allemands, la kommandatur qui nous disaient de partir sinon ils allaient nous fusiller. On était sous la botte allemande. Quand on est revenus il ne restait pas grand chose. La maison était restée mais il y a eu des dégats et on a perdu beaucoup d'animaux comme tout le monde. Et puis il y a eu des pilleurs, ceux qui étaient rentrés les premiers, on ne sait pas qui.

 

Ca a mis du temps pour retrouver la vie normale.

J'ai vu les américains à la Ferté Macé, on était heureux de les voir. Sans eux, vous comme moi on ne serait pas là, vous ne seriez pas là. On allait être déporté et mis dans les fours crématoires si on n'avait pas eux ces gens là.

 

Je me rappelle bien quand les allemands sont arrivés, on ne disait rien, ils sont arrivés à torigni, certainement en chars. Je ne les ai pas vus car Précorbin c'est à 5km de Torigni. Il était dit qu'ils allaient arrivés. On n'avait pas la télé, on avait des postes de TSF mais quand les allemands sont arrivés il a fallu les donner à la mairie. Tous les postes, tout ce qu'il y avait, il fallait le donner à la mairie. Les allemands avaient sans doute peur que de l'information passe.Les gens qui avaient des pigeons, il fallait les manger, les tuer.

 

Je n'ai pas perdu de proches, personne n'a été blessé. J'avais beaucoup de famille dans le Calvados, ils ont vu les allemands arriver, les américains, ça s'est bien passé pour eux.

 

C'est le diplôme que mes parents ont eu des anglais, c'était un pigeon anglais. Je le garde bien précieusement, mes parents, mon frère sont morts, il ne reste plus que moi. Mon cousin qui était notaire à Torigni, avait traduit le diplôme en français.

 

Je me souviens souvent de cette époque-là, on avait peur. J'étais avec mes parents, mon frère, ma belle soeur, on savait ce qui se passait, on voyait tout. Les allemands étaient arrivés, on était en occupation allemande parce qu’ils nous avaient déclarés la guerre en 1939

A mon âge à 89 ans, il y en a beaucoup qui ne vivent plus ou qui n’ont plus leur tête à eux. Y’en a d’autres qui ont trouvé des pigeons, si on voulait avoir 500 francs il fallait aller les porter à la Kommandatur à Torigni mais nous on l’a gardé.

On ne pouvait pas dire grand-chose car on n’était pas au bord de la mer, on ne savait pas trop ce qui se passait mais on voyait des documents quand même.

J’avais un frère, j’ai perdu mes sœurs. Mes parents ont perdu une fille à 12 ans en 1925 et une autre petite de 7 mois que mon père n’a pas connu parce qu’il était à la guerre à Verdun. Elle est née et enterrée sans qu’il ne la connaisse. Ma mère pendant la première guerre, avait trois enfants en bas âge : mon frère et mes deux sœurs. Moi je suis née en 22 après la guerre, et il n’y a que moi qui reste.

 

Au niveau de la nourriture, on n’a pas souffert car on était dans la campagne, on ravitaillait beaucoup d’amis et de famille à Paris, en beurre et tout. On ravitaillait beaucoup de gens.

On avait des tickets de pain, d’habillement, pour les chaussures, pour tout. On ne faisait pas comme on voulait. On était cultivateurs donc on avait à peu près tout ce qu’il fallait. Dans les villes, ce n’était pas pareil, à Paris, dans les villes il n’y avait rien à manger. Nous on ne se plaint pas car on était cultivateurs donc on n’a pas été malheureux.

 

Tous les films c’est bien ça. C’est la vérité. Je les regarde toujours. Les jeunes ne peuvent pas s’imaginer, c’est impossible. Tous ceux qui y ont passé… dans le canton de Torigni, ça allait, il fallait faire avec. Y’en a qui dénoncé les autres. Il y avait beaucoup de femmes qui étaient pour les allemands. J’ai une camarade qui a fait du mal à Torigni, elle a dénoncé des gens. Le docteur Fernagu, sa mère était allemande, il était chef de milice à Torigni. C’était notre médecin, un bon médecin, on ne savait pas qu’il était de la milice, on l’a su presque à la fin de la guerre quand les américains ont débarqué. Il a fait dénoncer tous les gens qui sont morts à la prison de St Lô, des gens que j’ai connus. Ils étaient fusillés ou mis en prison parce qu’ils étaient contre les allemands. Ils étaient résistants. Il y en avait qui dénonçaient des gens au docteur Fernagu et il les faisait mettre en prison.

Les résistants, je ne sais pas ce qu’ils faisaient, c’était caché. Certains l’ont dit, mais qu’après la guerre, sinon ils auraient été fusillés. Mon mari c’est pareil, à st martin de Cenilly, il a vu des gens qui faisaient du marché noir, qui ont été fusillés.

Dans les petites communes, on ne voyait rien, on ne savait rien, j’ai su bien des choses qu’après la guerre : les camps de concentration. Je regarde tout ça à la télé et lu ça dans les journaux. C’était atroce